Soudan: Coup d’Etat militaire: El Béchir arrêté

Soudan: Coup d’Etat militaire: El Béchir arrêté

Par Marie-France Cros.

Au sixième jour de protestation populaire contre le régime devant le ministère de la Défense à Khartoum, l’armée a annoncé l’arrestation du président Omar El Bechir, arrivé au pouvoir il y a 30 ans par un coup d’Etat de l’armée, et son remplacement, pour deux ans, par un « Conseil militaire de transition ». Les frontières sont fermées.

Depuis décembre, des manifestations de milliers de Soudanais ont lieu à Khartoum pour protester contre le projet du gouvernement de tripler le prix du pain. Le Soudan fait face depuis plusieurs années à une crise économique, aggravée par la sécession du Sud-Soudan, en juiillet 2011, qui l’a privé d’une grande partie de ses revenus pétroliers, donc de ses devises. En conséquence, de nombreux biens ne sont plus importés. Le long règne du président El Bechir ayant peu pensé à la diversification de l’économie, cela se traduit par des pénuries de médicaments, de certains aliments mais aussi de carburant et d’argent liquide. En 2018, l’inflation a atteint quelque 70%, accroissant les difficultés des Soudanais, y compris dans les classes aisées.

La police refuse de frapper

Ces manifestations ont repris de la vigueur depuis vendredi dernier. Elles ont lieu devant le ministère de la Défense – dans un complexe où se trouve aussi la résidence du chef de l’Etat – alors que des membres de l’opposition demandaient à l’armée de négocier le départ d’El Bechir.

Mardi, le porte-parole de la police soudanaise avait déclaré: « Nous demandons à Dieu (…) d’unir le peuple soudanais (…) pour un accord qui soutiendrait un transfert pacifique du pouvoir ». Et la police a indiqué à ses troupes de ne pas « intervenir » contre la foule réclamant le départ du président El Bechir. Des attaques de protestataires, au sein de la foule, par des agents de services de renseignement, fidèles à El Bechir, ont toutefois produit des heurts, qui ont fait onze morts, dont six militaires qui tentaient apparemment de contrarier les manœuvres des agents du service de renseignement.

Un coup à l’algérienne?

Mais alors que la foule en liesse, au cri de “nous avons gagné, il est tombé!”, espérait jeudi matin une nouvelle révolution populaire, l’armée soudanaise semble s’être inspirée de la crise algérienne pour reprendre le pouvoir en main.

En début de matinée, des militaires ont fait une descente dans les bureaux, à Khartoum, du Mouvement islamique, groupe proche du président El Béchir au sein de son parti, le National Congress Party (NCP). Tandis que les organisateurs des protestations anti-El Bechir invitaient la foule à se rendre en masse devant le ministère de la Défense, la télévision d’Etat et la radio diffusaient de la musique patriotique – comme il est d’usage lors des coups d’Etat militaires – et des véhicules de l’armée prenaient position autour du palais présidentiel et de la télévision d’Etat.

Elections “dans deux ans”

C’est par ce média que le ministre de la Défense, Awad Ahmed Ibn Auf, a annoncé à la mi-journée la destitution et l’arrestation du Président. Certains de ses proches au sein du NCP auraient subi le même sort.

Le général Ibn Auf a ajouté que le “régime” était remplacé, pour “deux ans”, par un “Conseil militaire de transition” et « une représentation du peuple ». Des élections « libres et honnêtes » seront organisées au bout de cette transition.  Il a ajouté que les prisonniers politiques seraient libérés mais que l’état d’urgence était déclaré pour trois mois, avec un couvre-feu nocturne pour un mois au moins – ce qui empêchera la poursuite des protestations de nuit devant le ministère de la Défense, alors que les organisateurs de celles-ci ont appelé les Soudanais à les poursuivre. La Constitution de 2005 est suspendue, le conseil des ministres et l’Assemblée nationale dissous tandis que les frontières sont fermées jusqu’à nouvel ordre et l’espace aérien pour 24h.

Le ministre de la Défense a critiqué “la mauvaise gestion, la corruption et l’absence de justice” du régime El Bechir. Ce dernier est réclamé par la Cour pénale internationale pour génocide au Darfour, crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

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