Avec au moins 90 élus sur 108 au Sénat et 341 sur 500 à l’Assemblée nationale, Joseph Kabila peut voir grand.
Irréversible. Le Sénat de la République démocratique du Congo (RDC) sera bel et bien installé avec 90 élus sur 100 (huit places restent à pourvoir dans le Nord Kivu et le Maï Ndombe) issus des rangs du Front Commun pour le Congo (FCC) plateforme politique constituée autour des soutiens de Joseph Kabila.
Le 15 mars dernier, lorsque l’annonce de ce résultat est tombée, les partisans de l’UDPS de Félix Tshisekedi ne s’étaient pas fait prier pour crier leur colère et accuser leurs élus provinciaux de corruption. En effet, le Sénat congolais est constitué sur base d’un scrutin indirect. Ce sont les élus provinciaux qui désignent les sénateurs. Or, au vu des provinciales, l’UDPS pouvait sereinement espérer une bonne dizaine d’élus minimum. Dans la province de Kinshasa, avec douze élus provinciaux, l’UDPS, si ses élus avaient voté pour des candidats du parti, aurait pu compter au moins trois élus. Au final, sur toute l’étendue du territoire, le parti devra se contenter de 1 élu.
Le 18 mars, poussé dans le dos par la colère de la base de son parti, Félix Tshisekedi organise une réunion inter-institutionnelle et fait annoncer dans la foulée qu’il “décide” de suspendre l’installation du Sénat et reporte, sine die, l’élection des gouverneurs face à cette “corruption évidente”. Il instruit également le procureur général de la République de mener des enquêtes sur ces cas de corruption. Souci, le contentieux électoral est du ressort de la cour constitutionnelle, tandis que l’organisation des scrutins dépend de la Commission électorale nationale indépendante. La prise de position du nouveau président est donc inconstitutionnelle.
Ce jeudi 28 mars, tard dans la soirée, c’est par un communiqué signé par le directeur de cabinet de la présidence que le couperet tombe. La démarche présidentielle est sans effet. Le Sénat sera installé et le FCC pourra compter sur une majorité stalinienne.
Révision de la constitution
Fort de cette majorité dans les deux chambres, Joseph Kabila dispose d’un Congrès complètement à sa main. Ceux qui espéraient que son successeur puisse lui tenir la dragée haute sont contraints de reconnaître que le président est nu et que la Kabilie dispose d’une majorité qui peut lui permettre de revoir à sa guise la Constitution. Le discours d’investiture de Félix Tshisekedi, qui évoquait cette potentielle révision du mode de scrutin pour les prochaines élections, revient en mémoire.
En janvier 2015, quand, alors que la fin de son second mandat se dessinait, Joseph Kabila a tenté de revoir cette Constitution, Kinshasa s’est soulevée pour s’y opposer. Des manifestations violemment réprimées. Des dizaines de Kinois y ont laissé leur vie. Des charniers ont été découverts à la périphérie de Kinshasa. Aujourd’hui, privé de la présidence, Kabila pourrait parvenir à ses fins, sous le regard d’une communauté internationale qui tente de soutenir à bout de bras un président impuissant qui a érigé la lutte contre la corruption en cheval de bataille mais qui n’a pas jugé bon de saisir la justice congolaise quand le président de la Ceni, Corneille Nangaa, a été sanctionné par le Trésor américain pour un détournement avoisinant les 100 millions de dollars sur le marché des machines à voter…