La police a annoncé l’arrestation de près de 200 détenus en cavale. La population de Kinshasa ne croit pas dans la thèse de l’évasion organisée par les adeptes de Ne Mwanda Nsemi.
« Ce mercredi 17 mai, c’était une journée fériée. Au petit matin, on a vu des groupes de personnes qui se sont succédés pendant de longues minutes. Ils étaient nombreux. En petits groupes et ne paraissaient vraiment pas pressés », explique Pierre B, habitant du quartier kinois de Bandal, situé pas très loin de la prison de Makala. « Grâce aux réseaux sociaux, on savait qu’une évasion avait eu lieu à Makala, mais on ne pensait pas qu’ils étaient aussi nombreux à être sortis de prison. on a pu voir ces groupes passer à queqlues mètres de chez nous pendant au moins une demi-heure, ça n’en finissait pas », renchérit son épouse, visiblement plus stressée que son mari à la vue de ces prisonniers en cavale. « Ils étaient sales, hirsutes, mal rasés, ils faisaient peur. Heureusement, comme c’était un jour férié, les enfants n’étaient pas à l’école et on a attendu le milieu de l’après-midi pour sortir de la maison ».
« En balade »
« Le plus fou, c’était le nombre et leur décontraction, explique un expat. On affirme généralement qu’il y a 9000 détenus à Makala, si c’est le cas et vu la masse de personnes que nous avons vu passer, sachant que tous ne sont pas venus par ici, il ne doit plus y avoir grand monde à l’intérieur. » Les questions fusent : « Où étaient les militaires de faction? » « Ils sont généralement entre 200 et 300 et les gars se sont échappé à leur aise ? »
Lors de cette évasion, 100 personnes auraient perdu la vie. « Il y a eu beaucoup de tirs, mais il était déjà au moins six heures du matin. Et l’évasion avait commencé au moins deux heures plus tôt. On n’a pas bien compris ce qui se passait, poursuit le père de famille de Bandal. Les forces de l’ordre ne peuvent quand même pas avoir mis deux heures pour arriver à la prison. C’est se moquer du monde ».
Les personnes interrogées sont unanimes, cette évasion ne peut pas avoir été organisée par les membres de la secte de Bundu Dia Kongo (BDK, « Royaume du Kongo » en kikongo) de Ne Mwanda Nsemi. « Ils n’ont pas les moyens de mener à bien ce type de projet. Ils ont des haches, des lances, des flèches et des noix de palme, ce n’est pas avec ça que vous faites exploser une prison même si beaucoup de Congolais croient que le leader de cette secte dispose de vrais pouvoirs. Certains militaires ont d’ailleurs préféré couper leur téléphone hier, comme ils l’avaient fait lors du siège de l’immeuble de Ne Mwanda Nsemi à Binza (autre quartier de Kinshasa), plutôt que de devoir affronter cet homme et ses pouvoirs. Pour certains, il serait capable de transformer une noix de palme en grenade », explique un autre expatrié, qui vit à Kinshasa depuis plus de 15 ans.
Le prisonnier norvégien
« En plus, poursuit-il, on peut quand même s’étonner de la libération, à 22 heures, mardi soir, du détenu norvégien. En général, on ne fait plus sortir de prisonnier après 17 heures. Ici, tout s’est passé très rapidement. Des hommes sont venus le chercher quelques heures avant l’explosion de violence, comme si on avait voulu éviter de lui faire prendre un risque ou qu’il assiste à ce qui s’est passé. Une voiture l’a amené sur la piste de Ndolo où il a embarqué dans un petit avion. C’est peut-être une coincidence, mais c’est quand même troublant. »
Ah, les chiffres !
Depuis ce jeudi matin, la spéculationsu rle nombre d’évadés est dans toutes les conversations. Un tableau sorti de Makala (tableau ci-dessus), semble indiquer que plus de 4000 personens auraient profité de cette matinée « porte ouverte ». Bien loin des 50 annoncés par le ministre des Communications Lambert Mende. Ce qui rappelle les difficultés avec les chiffres des ministres congolais. Thambwe Mwamba, le toujours ministre de la justice avait annoncé, lui, à l’été dernier, que Moïse Katumbi avait engagé plus de 600 mercenaires, avant de ramener ce chifre à 12 et que le dossier se dégonfle complètement.
En finir avec les prisonniers politiques
Plusieurs témoignages de policiers font état de pression sur les prisonniers politqiues pour qu’ils sortent de prison. « A part les anciens soldats de Bemba, la plupart des autres prisonniers politiques ont refusé de quitter la prison, flairant le coup tordu ». Le scénario d’une tentative d’en finir avec les prisonniers politiques circule dans plusieurs ambassades de Kinshasa. « Tout leur plan a échoué, explique-t-on à Kinshasa. La ficelle était tellement grosse que personne n’a été dupe. Mais le bilan est catastrophique. Il y a 4000 prisonniers dans la nature et même s’il y a beaucoup d’innocents parmi eux, il y a aussi de vrais psychopathes dans les rues de Kinshasa. Sans oublier le risque de voir Ne Mwanda Nsemi reprendre lecombat dans le Kongo Central. Par ailleurs, des travaux ont été menés ces derniers jours dans sa maison de Binza pour la retaper complètement après les attaques subies début avril. On aurait voulu préparer son petit nid douillet qu’on ne s’y serait pas pris autrement »., poursuit un témoin.