On a appris la nouvelle du décès du grand cinéaste mauritanien Med Hondo samedi alors que toute la profession et le public faisaient route vers le Palais Omnisport de Ouagadougou pour la cérémonie de clôture de la 26e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou. Certains ont vu un signe éloquent dans ce rassemblement saluant le 50e anniversaire de la création du Fespaco dont Med Hondo fut l’un des pionniers. Un festival où il fut sacré Etalon d’or de Yennenga en 1987 avec son film sur la reine Sarraouina.
Med Hondo avait ouvert la voie vers le cinéma d’auteur avec des films comme Soleil O (1970 – Léopard d’or à Locarno), Les bicots-nègres vos voisins (1973), West Indies ou Les nègres marrons de la liberté (1979), Lumière noire (1994) ou, plus récemment, Fatima l’Algérienne (2004).
En France où il résidait, le réalisateur était surtout connu pour son autre métier : celui de doubleur. Med Hondo était en effet la voix française d’Eddie Murphy, Morgan Freeman ou Rafiki dans Le Roi Lion, entre autres… La rétrospective organisée à l’occasion du 50e anniversaire de la création du Fespaco avait justement remis en lumière l’engagement des pères fondateurs tels Med Hondo, Sembène Ousmane ou Gaston Kabore.
La nouvelle de son décès en cette date symbolique a marqué les esprits alors que s’ouvrait la cérémonie de clôture en présence de Jerry Rawlings, ex-président du Ghana et compagnon de lutte du héros national burkinabé, Thomas Sankara, applaudi avec ferveur par le public. Il était assis aux côtés des trois chefs d’Etat: les présidents du Burkina Faso (Roch Marc Christian Kabore), du Mali (Ibrahim Boubacar Keïta) et du Rwanda (Paul Kagame), pays invité d’honneur de cette 26e édition. Une présence sous haute sécurité qui a contribué à écourter et amputer le caractère habituellement festif de la cérémonie au cours de laquelle a été dévoilé le palmarès 2019.
La place des femmes dans le 7e art
Autre coïncidence fatale : alors que le Fespaco 2019 se penchait sur la place des femmes dans le 7e art, secteur longtemps réputé machiste et paternaliste, le programme des conférences dédiées a été fortement secoué par les révélations et accusations graves portées à l’encontre de quelques cinéastes par diverses actrices et professionnelles du cinéma. L’occasion pour les médias de tracer un parallèle avec le mouvement #metoo qui a défrayé la chronique aux Etats-Unis.
La révélation qui a causé le plus de remous concerne l’agression dont a été victime la comédienne et réalisatrice Azata Soro. Lors du tournage de la série Le Trône en 2017, le réalisateur Tahirou Tasséré Ouedraogo, furieux de son «attitude» avait lacéré le visage de la comédienne avec un tesson de bouteille, la laissant balafrée. La réponse à cette révélation ne s’est pas faite attendre. TV5 Monde, qui avait préacheté la série burkinabée et devait la diffuser à partir de la fin du mois de mars, a « exigé de la direction du Fespaco qu’elle retire la série de la compétition ». La chaîne internationale francophone a ensuite annoncé qu’elle «ne diffusera pas Le Trône et exclut toute collaboration à venir avec Tahirou Tassere Ouedraogo». Elle se réserve en outre le «droit de le poursuivre en justice pour réparation des préjudices causés», a-t-elle annoncé par voie de communiqué. Une réaction et une détermination qui devraient aider à remettre certaines pendules à l’heure, en Afrique comme ailleurs…

La bonne nouvelle de cette édition anniversaire qui a connu son lot de couacs (changements de lieux, projections inversées, soucis techniques, etc.) en raison d’un programme pléthorique et peut-être même trop ambitieux – projections, hommages, conférences, ateliers et masterclasses… – est la forte présence d’une génération montante. Le Fespaco 2019 a en effet permis à de nombreux jeunes cinéastes de se distinguer, une génération au sein de laquelle on retrouve quelques femmes bien décidées à ne plus s’en laisser conter et à investir la magie du grand écran.
Karin Tshidimba, à Ouagadougou