Invité d’honneur de la 26e édition du Fespaco, le Rwanda y a fait son entrée avec un film très symbolique. « The Mercy of the jungle » évoque sans détour la souffrance de la population et les répercussions du conflit qui embrase le Congo (Kivu) depuis plus de vingt ans. Porté par l’acteur belgo-congolais Marc Zinga, il a été réalisé par le Rwandais Joel Karekezi (extrait vidéo). Et il vient de décrocher deux prix à Ouagadougou: l’Etalon d’or, la récompense suprême, et le prix du meilleur acteur pour Marc Zinga (mise à jour 02/03).
L’histoire se déroule en 1998, dans le Sud-Kivu, à la frontière avec le Rwanda, durant la deuxième guerre du Congo, l’un des conflits les plus meurtriers de ces 25 dernières années. Deux soldats rwandais se retrouvent séparés de leur unité. Forcés de se déplacer le plus discrètement possible en attendant de retrouver les leurs, les deux hommes n’ont d’autre choix que de s’enfoncer dans cet «enfer vert» réputé le plus dense du continent en espérant tirer leur salut de la « miséricorde de la jungle ».
La faim, la soif, la pluie, le froid, la fièvre, les moustiques et les animaux (gorilles et autres) sont autant de menaces placées sur la route des deux militaires esseulés. Mais elles ne sont rien à côté de la folie meurtrière des hommes (Congolais, Rwandais et leurs soutiens) déchirés par des questions politiques et ethniques, se battant surtout pour le contrôle et l’exploitation des ressources naturelles d’une région considérée comme l’une des plus riches au monde, avec ses diamants et ses dizaines d’autres minerais.
The Mercy of the jungle évoque l’absurdité d’une guerre qui voit les populations congolaises prises en tenaille entre les différentes forces en présence : armée régulière et rebelles congolais, combattants rwandais,… Un écheveau inextricable de belligérants «où il est de plus en plus difficile de distinguer le coupable de l’innocent», comme le reconnaît lui-même le sergent Xavier (formidable Marc Zinga). Dans cet épuisant périple qui va les entraîner jusqu’au Kasaï oriental, le « héros de guerre » rwandais et son compagnon d’infortune, la jeune recrue Faustin (Stephane Bak, originaire du Congo Brazza), se retrouvent confrontés à la réalité de leurs espoirs envolés, mais aussi de leurs méfaits, au doute qui, peu à peu, les ronge. Entre la majesté des paysages congolais, la beauté insolente de la forêt et de ses habitants, et les turpitudes des hommes, le contraste est saisissant.
Le film a ouvert dimanche la compétition de la 26e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco). Projeté à nouveau mardi soir, il a été très applaudi. «Ce film est porteur d’un message de paix parce que cette histoire pourrait se dérouler partout : en Syrie, au Yemen ou ailleurs» a souligné son réalisateur Joël Karekezi.
Pour rappel, vingt longs métrages de fiction sont en lice pour décrocher samedi soir l’Etalon d’or de Yennenga, la «palme d’or africaine» décerné lors de la clôture du Fespaco.
The Mercy of the jungle, coproduit par la Belgique et la France, est le 2e long métrage de Joël Karekezi. Le film a déjà participé à plusieurs festivals en 2018: Namur (Fiff), Carthage (JCC), Maroc, Toronto, Chicago, Rotterdam. Il sortira en salle en France à la fin avril et début mai en Belgique. Mais pour toute l’équipe, ces deux projections en terre africaine dans le cadre du Fespaco ont forcément une saveur particulière…
Karin Tshidimba, à Ouagadougou