Fespaco: Smockey, porte-parole du mouvement Balai citoyen et disciple de Thomas Sankara

Fespaco: Smockey, porte-parole du mouvement Balai citoyen et disciple de Thomas Sankara

Le documentaire « On a le temps pour nous », présenté en compétition dans le cadre du 50e anniversaire du Fespaco suit Smockey, musicien et activiste à Ouagadougou. L’une des figures emblématiques de la lutte pacifique menée par les Burkinabès pour faire chuter, en 2014, l’ex-président Blaise Compaoré. (vidéo)

Insoumission, Dossier Zongo, Pre*volution, On passe à l’attaque : les titres des chansons et des albums de Smockey ont toujours annoncé la donne sans équivoque. Voilà des années que le rappeur burkinabè, de son vrai nom Serge Bambara, ne fait pas mystère de ses opinions concernant la mauvaise gouvernance dans son pays, le Burkina Faso, ni de son admiration sans bornes pour feu le président Thomas Sankara.
Une franchise et des attaques frontales, à l’encontre des dirigeants politiques, qui lui ont valu de sérieuses menaces jusqu’à ce jour « fatidique » du 31 octobre 2014 qui a vu le Pays des hommes intègres enfin basculer de la fiction vers la réalité.

« Comme beaucoup de personnes j’ai été étonnée de ce basculement vers les élections et la démocratie au Burkina Faso surtout à cause de la chape de plomb instaurée par Blaise Compaoré », reconnaît la réalisatrice Katy Léna Ndiaye.
Visage des émissions Reflets Sud, diffusée à la RTBF, et d’Afrique plurielle sur TV5 Monde jusqu’à la fin 2018, la journaliste de formation s’est plongée avec enthousiasme dans ce projet porté au départ par l’ONG belge Africalia, coproductrice du documentaire avec les Burkinabés de Semfilms.

Son documentaire baptisé On a le temps pour nous propose un portrait intimiste de l’artiste cofondateur du mouvement Le Balai citoyen, qui fut l’un des artisans du départ de l’ex-président Blaise Compaoré, chassé du pouvoir après 27 années sans partage.

De Franz Fanon à Thomas Sankara

Le film explore le parcours de Smockey, son engagement, ses combats, mais aussi ses influences poétiques et politiques, de Franz Fanon à Thomas Sankara. Un artiste du hip hop pour lequel l’engagement n’est pas une posture, un vain mot et qui rappelle que « l’art est la subversion par excellence ». Regrettant publiquement que certains intellectuels africains « se rendent complices des pouvoirs en place« , il n’a eu de cesse d’inciter ses concitoyens à s’engager en faveur du changement.

Malgré cette position publique, Smockey a « accueilli l’idée du documentaire avec réticence », a t-il reconnu lors de son avant-première lundi soir à Ouagadougou dans le cadre du Festival panafricain du cinéma et de la télévision (Fespaco). Difficile en effet d’accepter de se laisser filmer dans son quotidien d’activiste et de musicien. Pourtant, « au fil des jours, j’ai fini par oublier la caméra« , a-t-il reconnu, remerciant publiquement la réalisatrice de la façon très respectueuse dont elle a rendu compte du combat de tant d’hommes et de femmes, simples citoyens du Burkina Faso.

Pour y parvenir, Katy Lena Ndiaye a composé son film par touches successives au fil de deux années, de sept voyages et de différents temps de tournage. Un documentaire qui n’entre pas dans la sphère privée de l’artiste mais se place à ses côtés pour explorer les versants de sa vie publique : mobilisations, concerts, travail en studio, manifestations. Smockey y apparaît tel qu’en lui-même : sincère, déterminé, convaincu et terriblement attachant. Avec cette pointe d’humour et d’ironie qui a forgé le surnom du rappeur (Smockey pour se moquer). Et cette intransigeance qui est tout à son honneur. Car son engagement ne se limite pas à la sphère politique comme le prouve sa chanson Laisse tomber la lame dénonçant l’excision, mutilation génitale extrêmement dangereuse, qui touche trois millions de femmes africaines chaque année.

Balai Citoyen, Y’en a marre, Filimbi et Lucha: même combat

A ceux qui découvriraient le personnage et croiraient qu’il s’agissait de sa part d’un excès de naïveté, rappelons que les résultats engrangés par cette génération proche des combats des Sénégalais de Y en a marre ou de la Lucha au Congo, prouve que le temps a bien été leur meilleur allié et leur persévérance, la mère de leurs victoires.
Car même si la réalité du Faso n’a pas été transformée d’un coup de baguette magique après les élections de novembre 2015, le mouvement Balai citoyen a engrangé quelques acquis indéniables : sur le plan de la liberté de la presse et du respect d’une constitution transformée afin que le mandat présidentiel ne puisse plus être indéfiniment prolongé.

Malgré l’heure tardive de la projection lundi soir, le public burkinabé a salué comme il se doit les chansons et les prises de position de Smockey qui ont jalonné durant des mois son combat et celui de l’un de ses plus célèbres porte-voix.

Karin Tshidimba, à Ouagadougou

Projeté à nouveau ce mardi soir à l’Institut français de Ouagadougou, le film On a le temps pour nous sera projeté une dernière fois en plein air, jeudi soir, par le CNA (Cinéma numérique ambulant).

Egalement présentés à Ouagadougou, les films « Kinshasa Makambo » et « Congo Lucha » évoquent cette longue lutte citoyenne pour des élections libres au Congo.

Que pensez-vous de cet article?

Derniers Articles

Journalistes

Dernières Vidéos