« L’esclavage : une histoire qui se perpétue par goût du profit »

« L’esclavage : une histoire qui se perpétue par goût du profit »

« L’histoire de l’esclavage s’inscrit au coeur de l’évolution européenne » et ses échos dépassent largement le Vieux Continent pour « symboliser un système d’exploitation » encore très présent dans le monde d’aujourd’hui à travers ses trois piliers : violence, domination et profit comme ce fut le cas dans… la colonisation et dans le capitalisme.
C’est le principal enseignement que l’on retire de la série documentaire Les routes de l’esclavage*** déclinée en quatre épisodes, à découvrir ce vendredi sur La Une (22h35) et samedi sur La Trois (21h05). Mais aussi le 1er mai sur Arte ou les 2 et 9 mai sur France Ô (20h50).
Nous avons parlé de la genèse de ce film impressionnant et édifiant avec l’un de ses coréalisateurs et sa coproductrice belges. Entretien

« Il fallait trouver comment raconter cette histoire que tout le monde pense connaître mais sous un prisme narratif neuf, auquel on n’avait pas forcément pensé auparavant. Assez vite, on s’est dit que le mieux était de choisir un angle géopolitique et économique. Car les esclaves étaient l’énergie essentielle à cette époque-là » explique Daniel Cattier, coréalisateur de la série documentaire franco-belge « Les routes de l’esclavage ».

Il semblait assez évident à l’équipe emmenée par Fanny Glissant, au vu du travail mené par de très nombreux universitaires et historiens à travers le monde, que c’était « la façon la plus neuve et la plus intéressante de raconter cette histoire aujourd’hui. Car il s’agit d’un film et pas d’un livre ou d’une thèse. Une fois l’angle d’attaque défini, on s’est lancé », poursuit Daniel Cattier.

« On raconte véritablement l’histoire à travers les cartes : un empire naît, se renforce, s’enrichit et à un moment donné, un autre apparaît et le défie tandis que le premier décline. C’est ce qu’on voit dans l’épisode 4 avec le déclin de l’Europe alors que le Brésil et les Etats-Unis deviennent de super puissances en gagnant leur indépendance. L’Europe doit trouver d’autres moyens de production et c’est alors qu’elle se tourne vers l’Afrique et qu’il y a le début de la colonisation. Cela permet de comprendre le monde d’avant et celui d’aujourd’hui. Cela a même plus de sens pour décrypter l’histoire. » Ainsi passe-t-on des images d’hier à celle de notre actualité la plus proche.

« Aujourd’hui il y a l’émergence de la Chine et de l’Asie, le monde, à nouveau, change. Si les Etats-Unis se mettent à avoir une politique protectionniste, c’est la fin d’une époque même si on ne l’aborde pas directement, c’est cela qu’on explique dans la série. On sent que le centre de gravité se déplace vers l’Océan indien et le Pacifique. On pourrait même faire une saison 2 sur les nouvelles routes économiques. On sent que l’Europe et les Etats-Unis ont un perdu la main. »

31 historiens interrogent notre passé et notre présent

Spécialiste de la traite transatlantique et de l’Afrique de l’Ouest, spécialiste de la diaspora africaine dans le monde, historien de Sao Tomé et Principe…. A chaque étape et pour chaque spécificité, le trio a trouvé l’historien à même d’en parler. Catherine Coquery-Vidrovitch (Paris), Elikia M’Bokolo (Paris), David Eltis (Atlanta), Vincent Brown (Cambridge)… «C’est la crème de la crème des universitaires» précise Daniel Cattier. Un panel vaste et diversifié qui change de l’impression, souvent donnée en télévision, de croiser toujours les mêmes spécialistes.

« On est bien conscient que c’est un sujet un peu difficile. Et s’il n’y avait eu que ce formidable casting d’historiens et des images d’archives, on n’aurait peut-être pas réussi à toucher le grand public comme cela a été le cas lors des avant-première en France, en Belgique ou en outre-Mer » admet la coproductrice belge Annabella Nezri (Kwassa Films). D’où la décision d’avoir recours à l’animation.

L’animation au service de l’Histoire

« L’animation permet d’humaniser le récit, de le rendre plus accessible et de visualiser des moments-clés de l’Histoire. On a eu la chance aussi qu’il y avait un vrai intérêt de la part de nombreux comédiens de s’impliquer dans ce projet. Comme Mathieu Amalric, Aïssa Maïga ou Jérémie Rénier qui était en pleine promotion de son film et qui est pourtant venu faire des voix… On a filmé les comédiens en live dans un studio green key et puis il a fallu trouver le bon trait, les bonnes couleurs. Mikros Image à Liège a même pris des jeunes qui sortaient de l’école pour les former spécifiquement sur ce film. Graphisme, son et direction artistique : tout a été réalisé en Belgique. Il y a un vrai savoir-faire en terme d’animation, ici. Rien que cette partie-là représente deux ans de travail. » En tout, ce sont 150 personnes qui ont travaillé sur ce film, à chaque étape de façon très différente, soudées par le désir de transmettre ce passé commun.

Entretien: Karin Tshidimba

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