Par Marie-France Cros
Le Premier ministre Benjamin Netanyahou semble plongé dans la plus grande confusion au sujet du sort à réserver aux migrants africains – essentiellement des Soudanais et des Erythréens – entrés illégalement sur son territoire. Après avoir renoncé à son programme d’expulsion, au cours du week-end pascal, pour le remplacer par un autre, sur base volontaire, il y a renoncé quelques heures plus tard, lundi soir.
C’est le 3 janvier que l’Etat israélien avait lancé son programme d’expulsion, annoncé fin 2017. Ce dernier devait toucher des migrants illégaux africains hommes et célibataires ayant vu leur demande d’asile refusée; n’étaient pas concernés ceux venus avec leur famille et ceux libérés des prisons esclavagistes libyennes. Cela représenterait 15.000 à 20.000 hommes.
Le choix leur était donné entre recevoir un billet d’avion et 2900 euros s’ils quittaient Israël pour la fin mars ou être arrêtés, après cette date, jusqu’à ce qu’ils acceptent de quitter le pays.
Confusion introduite par Netanyahou
Le gouvernement Netanyahou a introduit la confusion dès le début, d’abord en laissant entendre que les illégaux seraient expulsés vers des pays tiers, sans citer lesquels. Des ONG israéliennes, sans se donner la peine de vérifier les faits, ont indiqué qu’il s’agissait du Rwanda et de l’Ouganda. Ces deux pays ont pourtant réfuté à plusieurs reprises cette assertion. En janvier, Kigali avait expliqué qu’il y avait bien eu, il y a trois ans, des « négociations » avec Israël au sujet de l’accueil de migrants « mais il n’y a eu aucun accord ».
Et pour cause: une partie de la population rwandaise d’ethnie tutsie – dont le président Paul Kagame – a longtemps été maintenue de force en exil et a même fait la guerre pour mettre fin à cette situation. La position de Kigali sur les migrants « quelle que soit leur origine, a été formée et façonnée par un sentiment de compassion envers les frères et sœurs africains qui meurent aujourd’hui en haute mer, qui sont vendus sur les marchés comme du bétail ou expulsés des pays où ils ont cherché abri. Le Rwanda est prêt à aider, dans ses moyens limités, en recevant ceux qui arrivent à ses frontières à la recherche d’un abri, volontairement et sans contrainte d’aucune sorte ».
Selon le Haut Commissariat aux réfugiés à Kigali, quelque 4000 migrants africains sont passés volontairement d’Israël au Rwanda mais seuls 7 étaient encore présents il y a deux mois. Les autres, déçus par les conditions de vie dans ce pays pauvre, sont partis ailleurs, notamment vers l’Europe. Ce qui expliquerait que le HCR à Rome y ait trouvé 80 personnes ayant accepté la prime israélienne de 2900 euros pour quitter Israël à destination du Rwanda, avant de quitter ce pays pour l’Italie en passant par le Soudan et la Libye notamment.
Sans l’accord des pays nommés
Pressé par l’Onu, M. Netanyahu a annoncé lundi 2 avril l’annulation de son programme d’arrestation des migrants illégaux africains célibataires, en raison de « difficultés politiques avec des pays tiers », pour le remplacer par un autre: pour chaque migrant qui accepterait de quitter Israël vers « des pays développés comme le Canada, l’Allemagne ou l’Italie », un autre se verrait reconnaître, à titre « temporaire », le droit de séjour. Quelque 16.000 personnes auraient dû partir ainsi, selon ce second plan.
Mais cette nouvelle version du programme a aussitôt suscité un tollé. Dans l’extrême-droite israélienne, qui exige l’expulsion pure et simple de tous les illégaux. Dans la population israélienne pauvre des quartiers sud de Tel Aviv où la majorité des migrants africains sont installés. Parmi des ministres du gouvernement israélien, qui ont affirmé n’avoir pas été informés de cette nouvelle version du programme d’expulsion. Ensuite en Italie, qui a nié avoir donné son accord à un tel plan.
Dès lundi soir, le Premier ministre a donc dû, piteusement, annuler ce second programme, en annonçant devoir « en repenser les termes« .