Par Hubert Leclercq
La fin de semaine dernière a été marquée, en République démocratique du Congo par les grand-messes de la majorité présidentielle (MP) consacrées au projet de révision de la loi électorale. Une rencontre s’est déroulée dans un grand hôtel de la capitale. En maître de cérémonie, le président de l’Assemblée nationale, par ailleurs secrétaire général de la majorité présidentielle (MP), Aubin Minaku, flanqué du ministre de l’Intérieur Emmanuel Shadari et du président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) Corneille Nangaa. Objectif : prendre le pouls de cette MP par rapport au projet de réforme qui vise à limiter drastiquement le nombre de partis politiques qui existent aujourd’hui sur la scène politique congolaise. Pour y parvenir, les stratéges de la MP ont trouvé la parade : placer un seuil d’élégibilité à 3 % pour les élections des parlementaires nationaux et de 5 % pour les scrutins provinciaux. Une proposition chiffrée qui est loin de faire l’unanimité même dans les rangs des représentants des partis proches du pouvoir.
“Cinq pour cent, ça veut dire que votre parti doit recueillir plus de 1,2 million de voix au niveau national, c’est la mort de nombreux partis qui se sont battus pour le président”, expliquait un député de la majorité, furieux. La majorité a bien compris que cette volonté de placer la barre très haut pour ramener le paysage politique à quatre ou cinq formations aurait toutes les peines du monde à passer. Une nouvelle proposition est sur la table.
Désormais, le texte à l’étude parle de 1 % au national et 3 % à la province.
Machine à voter
La soupe à la grimace est toujours de mise pour nombre de députés qui, malgré les 2500 dollars de prime reçus en guise de motivation, voient d’un mauvais œil cette barrière et cette quasi obligation de faire allégeance au PPRD du président hors mandat Joseph Kabila pour s’assurer leur avenir sur les bancs de l’Assemblée. “C’est que parallèlement à cette barrière, il y a toujours cette fameuse machine à voter de Nangaa. Une machine qui va permettre toutes les tricheries. Tout sera informatisé. C’est inimaginable dans un pays où nombre d’électeurs sont analphabètes et où le corps électoral est sujet à caution”, explique un autre élu.
Calendrier électoral à revoir
« Toutes ces démarches démontrent la volonté de Kabila de s’accrocher”, poursuit un ecclésiastique. “Dans le cas contraire, il aurait déjà annoncé qu’il ne se représenterait pas. Par cette révision de la loi électorale, il veut mettre tout le monde devant le fait accompli. Mais pour parvenir à ses fins, il doit remodifier le calendrier électoral et organiser d’abord les législatives avant la présidentielle. Fort de ce nouveau parlement élu sur base de cette loi révisée soutenue par la machine à voter, il peut envisager une révision de la constitution qui lui permettrait de rester au pouvoir… La communauté internationale, qui a exigé ce calendrier, ne peut accepter d’être ainsi dupée. Il y va de la crédibilité des Nations unies, des Etats-Unis et même de la France. La crise congolaise ne fait que commencer, croyez-moi. »
Le conseil de sécurité de l’Onu a plaidé cette semaine encore pour le respect de l’accord de la Saint-Sylvestre et du calendrier électoral, la libération des prisonniers politiques et la fin des poursuites et le retour de Moise Katumbi. Le président français, Emmanuel Macron a, lui, insisté sur le respect de la Constitution et, plus particulièrement, sur le nombre de mandat autorisé au président. Pas de troisième mandat, selon le locataire de l’Elysée.