Par Marie-France Cros
Le Centre Carter publie ce vendredi la première partie d’un rapport sur la Gécamines, société minière publique congolaise, et ses principaux partenaires. Il est intitulé « Une affaire d’Etat ».
Selon les informations reçues par La Libre Afrique, le texte est le résultat de plusieurs années de recherches sur les pratiques contractuelles et financières en République démocratique du Congo (RDC), de 200 interviews, de l’étude d’une centaine de contrats miniers et d’un millier d’autres documents, dont des données de l’ITIE (Initiative sur la transparence dans les industries extractives) entre 2007 et 2014. Dans les semaines à venir, le Centre Carter diffusera l’étude particulière de « quatre cas parmi les principaux projets miniers au Congo ».
Deux tiers des revenus disparus
La première partie du rapport, titrée « Un Etat parallèle », montre comment la Gécamines a utilisé sa position privilégiée pour générer 1,1 milliard de dollars de contrats portant sur le cuivre et sur le cobalt entre 2011 et 2014. « Près des deux tiers de ces revenus – ou 750 millions de dollars – ne peuvent être tracés jusqu’à ses comptes en banque de manière fiable », indique le Centre Carter.
Le rapport indique que la Gécamines contrôle les « meilleurs permis miniers », ce qui en a fait le premier gardien des « actifs miniers les plus désirables du Congo au cours des deux dernières décennies ». Ce rôle est légalement dévolu au cadastre minier.
L’analyse des données du registre minier « montre que la compagnie possède toujours une centaine de permis d’exploitation, ce qui va au-delà de la limite énoncée par le code minier » du Congo.
« Cette position privilégiée », poursuit le Centre Carter, « a permis à la Gécamines de générer des revenus substantiels de ses partenariats » avec des sociétés privées étrangères, qui lui ont rapporté » en moyenne 262 millions de dollars en royalties, bonus et autres frais contractuels entre 2009 et 2014. Mais seuls 5% de ces revenus prennent le chemin du Trésor public.
La Gécamines a assuré que ces revenus devaient lui permettre de relancer sa production minière, note le Centre Carter, mais « en pratique, ils semblent avoir été utilisés principalement pour d’autres objectifs ».
Plus de contrats avant les élections
Rappelant qu’avant les élections de 2006 et 2011, la signature de contrats par des compagnies publiques congolaises « avait augmenté » – il s’agissait alors, selon l’opposition, de fournir des revenus au Président sortant, qui était déjà Joseph Kabila – le rapport du Centre Carter note que les conditions sont en place « pour plus de ventes non rendues publiques et plus de détournements de revenus ». A cet égard, « il est troublant que la Gécamines ait refusé de publier plusieurs contrats miniers qui pourraient avoir généré plus d’un demi-milliard de dollars en 2016-2017 ».
« La RDC a le potentiel pour surmonter l’héritage de mauvaise gestion et de corruption qui a été la plaie de son industrie extractive », écrit l’ex-président Jimmy Carter dans sa préface au rapport. « J’appelle les dirigeants politiques à travailler avec le secteur privé, la société civile, la communauté internationale et autres pour assurer la gestion responsable des ressources naturelles de la RDC ».