Rwanda: la France doit « prendre ses responsabilités »

Rwanda: la France doit « prendre ses responsabilités »

Dans une interview à TV5 Monde, RFI et Le Monde, dimanche dernier à Kigali, la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, a stigmatisé l’ »instruction sans fin » en cours en France sur l’attentat du 6 avril 1994 qui servit de déclenchement au génocide.

« Il y a un problème avec cette instruction sans fin, avec ces témoins de la 25ème heure, avec ces juges qui succèdent aux juges (…) Il faut que ce soi-disant procès se termine un jour. Et si la France ne le fait pas, nous allons le faire ». La ministre rwandaise n’a pas mâché ses mots au sujet de la justice française, empêtrée depuis près de 20 ans dans une instruction qui  varie selon le chef d’Etat à l’Elysée. « Comme par hasard », accuse la ministre, « quand les relations diplomatiques étaient bonnes » entre les deux pays, soit sous Nicolas Sarkozy, « la justice avançait bien. Ce n’est pas de la justice, c’est de la politique », a asséné Louise Mushikiwabo.

La France a joué un rôle terrible

Les relations entre les deux pays avaient été rompues en 2006, à la suite de la mise en cause du président Kagamé et de neuf de ses proches dans l’attentat, par le très politique juge Jean-Louis Bruguière.

Elles se sont à nouveau tendues ces derniers mois à la suite de la convocation par les juges d’instruction français Nathalie Poux et Jean-Marc Herbaut du ministre de la Défense rwandais, James Kabarebe, mis en cause dans l’attentat par un nouveau témoin, près d’un quart de siècle après les faits. La ministre rwandaise dénonce dans ce nouvel épisode l’influence de « certains responsables (français) qui étaient les soutiens d’un régime qui a commis un génocide et qui essaient depuis 23 ans de cacher leurs traces, de brouiller les pistes ». « Nous avons toléré beaucoup », ajoute Mme Mushikiwabo, « mais le moment viendra où la France devra accepter qu’elle a joué un rôle terrible ».

Rappelons que Paris a appuyé le gouvernement génocidaire avant, pendant et après le génocide des Tutsis au Rwanda.

Macron: le bénéfice du doute

Kigali accorde le bénéfice du doute à Emmanuel Macron: il est trop jeune pour avoir participé à l’action de la France au Rwanda. Son conseiller diplomatique Philippe Etienne avait œuvré au rapprochement entre les deux pays sous Nicolas Sarkozy, note Le Monde Afrique: en 2010, le président français avait reconnu à Kigali « de graves erreurs » et un « aveuglement » de la France – un peu court mais mieux que rien, avaient jugé les Rwandais.

En revanche, le chef de l’armée française nommé par Emmanuel Macron, le général François Lecointre, a participé à l’opération Turquoise française qui, en 1994, avait exfiltré vers le Zaïre les principaux dirigeants et auteurs du génocide.

MFC.

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